D’après un article de Jennifer Richler pour le New York Times publié le 16 février 2015.
Jennifer Richler, journaliste américaine, s’est interrogée sur le rapport des jeunes enfants au web et à la façon dont ils perçoivent cet outil qui leur semble si familier. Elle constate que son fils de 5 ans suggère de « demander à internet » s’il reste de la pizza au frigo ou à quelle heure son père rentrera à la maison. Si ces questions sont amusantes, elles n’en sont pas moins révélatrices d’une perception éronnée du net chez les jeunes enfants.
Après la Génération Y, la Génération Z
La dernière génération est née dans un monde où internet fait partie du quotidien. Même si la Génération Y (les 18-34 ans) est surnomée digital natives, c’est encore une tranche d’âge qui, dans son enfance, s’est tournée vers le dictionnaire avant de s’en référer à l’ordinateur. La Génération Z (les jeunes enfants d’aujourd’hui) sont nés dans un monde de haut débit et de smartphone où internet est facile, rapide, accessible partout et tout le temps. Que comprennent-ils du net à un âge où ils commencent à peine à donner un sens au monde qui les entoure ? (A quoi cela sert-il ? D’où viennent les informations qui s’y trouvent ? Sont-elles fiables ?)
Les enfants trouvent de plus en plus de réponses à leurs interrogations en ligne et ce, de plus en plus jeunes. Selon Judith Danovitch, psychiatre à l’Université de Louisville, « cela va modeler leur façon de penser pour le reste de leur vie. […] Internet a l’étrange particularité de ne pas être humain et pourtant d’agir comme tel. En interagissant avec nous et en sélectionnant des informations selon nos besoins. […]Comment les enfants le perçoivent-ils ? »
L’ordinateur : un outil familier
Certains chercheurs tentent de répondre à cette question. Pour l’heure, les recherches se concentrent sur les enfants en âge d’être scolarisés et montrent que dés la maternelle, les enfants ont les connaissances suffisantes pour expliquer ce qu’est un ordinateur et quelle est son utilité. Par exemple, un enfant de 5 ans saît parfaitement qu’un ordinateur n’a ni cerveau ni sentiments.La plupart des jeunes enfants considèrent qu’un ordinateur est un bon moyen d’obtenir des informations factuelles mais ils estiment très justement qu’il est bien moins utile pour fournir des jugements d’ordre moral. Cependant, les études montrent que les enfants ont du mal à évaluer la validité des informations qu’ils trouvent sur internet. Une experience démontre que la plupart des élèves de 6ème considèrent que les informations disponibles sur le web sont vraies. Qu’en est-il des enfants plus jeunes ?
Les enfants ont confiance en internet
Au cours de ses recherches, le Dr Danovitch a montré à des enfants de 4 ans des vidéos montrant des adultes qui utilisaient successivement deux ordinateurs différents. Les machines répondaient à des requêtes très simples telles que « Quelle est la couleur de l’herbe ?». L’un des ordinateurs fournissait systématiquement une réponse juste tandi que l’autre répondait toujours de façon erronée. Lorsqu’on interroge ensuite les enfants en leur demandant quel ordinateur ils préfèreraient utiliser, la plupart choisissent celui fournissant des réponses justes. Cette étude montre que concernant les recherches en ligne, les enfants adoptent une stratégie rationnelle, tout du moins lorsqu’ils disposent au préalable d’informations correctes. Ils ont tendance toujours croire celui qui a déjà eu raison. Des études antérieures prouvent qu’ils agissent de même avec les personnes. Mais qu’en est-il lorsqu’ils n’ont pas les connaissances suffisantes pour évaluer la véracité des informations ?
L’évolution de la compréhension du web
L’hypothèse du Dr Danovitch est que les enfants deviennent de plus en plus perspicaces au fur et à mesure de leurs confrontations à des informations données en ligne et à celles fournies par des personnes. Au fil du temps, ils réalisent que les informations en ligne sont émises par des humains, ce qui les rend potentiellement moins fiables. Les chercheurs n’ont pas encore pu définir à quel âge s’opère ce déclic. Lorsque la journaliste Jennifer Richler interroge de jeunes enfants sur l’origine des informations du web, la plupart ne sont pas en mesure de répondre. Un enfant de 5 ans s’est même écrié « des usines ! ». Mais lorsqu’elle demande à son neveu de 8 ans si internet peut avoir tort, il lui rétorque avec une mine d’expert que oui, « mais ce n’est pas la faute d’internet ! C’est la faute des gens ! ». La compréhension du fonctionnement du web se modifie entre 5 et 8 ans mais les chercheurs peinent encore à trouver l’âge exact auquel le basculement s’opère.
Google n’a pas toutes les réponses
Il y a beaucoup d’autres questions passionnantes sur lesquelles les scientifiques travaillent actuellement. Par exemple, en cas d’informations contradictoires, qui les enfants sont-ils le plus succeptible de croire ? Internet ou une personne ? Si les enfants se rendent compte que Google sait des choses que ses parents ignorent va-t-il privilégier le net comme source de connaissance ? En soi, chercher l’information par eux-même sur internet n’est pas un mauvais réflexe pour les enfants. Google fournit souvent une réponse objective et factuelle à leurs interrogations farfelues qui mettent à mal le sens commun des adultes (« Pourquoooooooi ? »). Mais recourir à Google à tout bout de champs s’avère être un véritable danger en ce qui concerne les questions plus fondamentales de l’existence. Les réponses données sont alors trompeuses, succeptibles d’être mal interprêtées, incomplètes ou totalement fausses. (Jennifer Richler conseille de googler « Comment on fait les bébés ?» pour constater l’ampleur des dégâts qui peuvent être causés.
Nos enfants ont vécu avec internet depuis leur naissance, et ils sont la première génération dans ce cas. Il est important de savoir ce qu’ils comprennent et surtout ce qu’ils ne comprennent pas pour combler les manques et corriger les failles.